Si vous pouviez découvrir dans une boule de cristal que votre nouveau-né risque d’avoir des problèmes de santé, voudriez-vous le savoir ? Ce mois-ci, des médecins de Boston vont pour la première fois séquencer les génomes de bébés en bonne santé, afin d’explorer les bienfaits et les risques de cette procédure lorsqu’elle est menée dès la naissance.
« Ces dernières années, nous sommes dans l’impasse. La technologie nous donne les moyens de connaître l’avenir de notre santé, mais toutes les questions que soulève ce sujet nous ont empêchés d’y faire appel », explique Robert Green, qui travaille à la faculté de médecine de Harvard et qui est aussi responsable du projet BabySeq avec Alan Beggs, de l’hôpital pédiatrique de Boston.
Les femmes enceintes subissent déjà des tests sanguins pour évaluer les risques de transmission de certaines maladies congénitales, comme la fibrose cystique. En cas de circonstances particulièrement défavorables, il est possible de réaliser des tests supplémentaires, comme l’amniocentèse, afin de déterminer si le fœtus présente des anomalies chromosomiques. Nous sommes toutefois sur le point d’en apprendre bien plus.
En 2012, deux groupes de chercheurs ont montré qu’il était possible de séquencer le génome d’un fœtus en intégralité grâce à l’ADN fœtal qui circule dans le sang de la mère. Cette technique n’est pas encore prête à être utilisée dans les cliniques, mais le séquençage à la naissance, lui, l’est, « La fiabilité des prédictions liées au séquençage a ses limites, nous les connaissons bien, mais de nombreuses entreprises estiment qu’elles pourraient dès maintenant proposer ce service pour les nouveau-nés, affirme Robert Green. Nous pensons qu’il relève de notre responsabilité scientifique d’être les premiers à entreprendre ce séquençage. Ainsi, nous serons là pour comprendre les préjudices éventuels et y remédier, avant que cette procédure soit lancée sans le moindre encadrement auprès d’un public qui ne se doute de rien. »
Comment vont-ils procéder? A l’heure actuelle, à la naissance d’un bébé, un échantillon de sang est prélevé sur son talon pour détecter les signes éventuels d’une trentaine de maladies guérissables. Dans le cadre du projet BabySeq, outre ce dépistage traditionnel, un séquençage du génome sera réalisé sur 240 bébés en bonne santé nés à l’hôpital Brigham (BWH) de Boston et sur 240 autres en soins intensifs à l’hôpital pédiatrique de la ville.
Grâce à un séquençage complet, l’équipe examinera 1 700 gènes codant pour des protéines qui sont étroitement associés à des maladies se déclarant pendant l’enfance. L’un des troubles ciblés est le syndrome d’Usher, qui entraîne une perte de l’audition et une déficience visuelle progressive.
Les scientifiques chercheront aussi des mutations liées à des maladies qui apparaissent chez les enfants plus âgés ou chez les adultes, et dont les conséquences peuvent être atténuées au cours de l’enfance : il s’agit par exemple de la polypose adénomateuse familiale, qui provoque le développement de polypes dans le colon, qui finissent par devenir cancéreux. Enfin, ils traqueront les gènes liés à des pathologies infantiles incurables, comme le syndrome de Rett. L’idée est d’avertir les parents en amont afin qu’ils soient mieux préparés. Actuellement, ces maladies ne font l’objet d’aucun dépistage chez les nouveau-nés en bonne santé, à moins qu’il n’existe des antécédents familiaux.
Les résultats de l’étude seront résumés et expliqués aux parents par un généticien et un conseiller en génétique. La synthèse sera également remise au pédiatre des bébés; elle permettra d’adapter leurs soins médicaux. Un enfant atteint du syndrome d’Usher pourrait, par exemple, recevoir un implant cochléaire plus tôt, et un enfant souffrant de la polypose adénomateuse familiale pourrait bénéficier de tests réguliers pour détecter d’éventuels polypes coliques. L’équipe suivra l’enfant, les parents et leur praticien pendant au moins cinq ans.
Mais l’objectif n’est pas de chercher des mutations liées à des pathologies apparaissant à l’âge adulte, comme la maladie d’Alzheimer ou le cancer du sein.
Les données brutes, elles, ne seront pas accessibles aux parents, à moins qu’ils n’en fassent la demande. Et ils devront attendre la fin du projet. « Nous préférons ne pas communiquer de données brutes à des personnes qui pourraient en tirer une analyse erronée, explique Robert Green. Mais si la famille insiste, elle pourra déposer une demande auprès de laboratoire, qui décidera éventuellement de l’accepter après en avoir discuté avec les parents. »
A la lecture de ces informations, leur sera-t-il possible de découvrir d’autres caractéristiques sur leurs enfants? « Ils n’apprendront pas grand-chose de plus », répond Robert Plomin, professeur de génétique comportementale au King’s College de Londres. « Des entreprises affirmeront qu’il est possible de prédire les compétence intellectuelles, musicales et sportives, mais c’est faux. » En revanche, nous e